Gonzaï, Rat Devil, 3 janvier 2023
« C’est une sorte de biographie réinventée qui n’a pas véritablement d’histoire. » [+]
[Lire l’entretien complet en ligne au lien ci-dessus.]
[…] « — Ça fait un moment que j’utilise mes parents comme modèles. J’ai commencé pour Fluide dans des strips, à peu près en même temps que le Rond Point d’ailleurs. J’avais décidé d’appeler mon père Giscard. Pourtant mes parents n’étaient pas du tout Giscardien. Le fait est qu’à l’époque, mon père avait écrit un roman grotesque et il voulait absolument rentrer à l’Académie française. Il était typographe et bossait dans l’imprimerie donc il n’écrivait pas du tout de livres. Je trouvais ça admirable de drôlerie. Par antithèse, j’ai appelé mon père Giscard et ma mère Giscarda. Lui s’est découvert un véritable attrait pour l’appareil photo, en prenant à peu près toujours la même pose dans toutes sortes de situations. De temps en temps, c’est moi qui les prenait en photo, je leur donnais des indications sans trop savoir ce que j’allais en faire derrière. J’ai donc un matériel important que je re-travaille en modifiant certains éléments, parfois en faisant aussi du photomontage, en changeant les histoires. C’est une matière que je peux moduler à l’infini tout en re-transformant la vie de mon père en même temps. C’est une sorte de biographie réinventée qui n’a pas véritablement d’histoire, ce sont des instantanés parmi d’autres. Mon père se prend ici pour un écrivain un peu sentencieux en donnant des avis complètement idiots sur à peu près tout. C’est quelque chose qui m’amuse et dont je suis assez content. J’avais déjà bossé avec les Éditions Matière au moment de faire ma première BD, Tarzan contre la vie chère, il y a quelques années. À ce moment-là, ils voulaient déjà faire ce projet. On l’a vraiment fait dans un esprit BD de gare, en noir et blanc, au plus simple et au moins coûteux. C’est le premier volume d’une série qui en comptera quatre. Ça doit s’appeler “La vie de mon père”. Je le vois comme du Christian Boltanski grotesque et en même temps assez proche du roman-photo avec toujours une pointe d’onirisme. Ça rejoint l’idée de Topor de tout à l’heure, celle de transformer la vie en théâtre ; garder un cadre réaliste mais le modifier en profondeur. » [-]