Fac-similé (ou non, peu importe) d’un carnet à petits carreaux, cette traversée d’une grande ville américaine en proie aux événements d’un quotidien dont la banalité est, comme il se doit, hantée par des figures classiques du fantastique urbain (ici Godzilla) est une réussite, non seulement en tant que recherche d’un langage, d’un style, d’un espace plastique, architectural, mais aussi en tant que réflexion sur « ce à quoi le monde s’occupe » qui implique un point de vue sur « comment le Monde est occupé ». Cela pourra énerver ceux qui ne savent qu’éructer qu’une bande dessinée doit être avant tout une bonne histoire, mais réjouira les
happy fews sensibles aux détails, aux différences infimes qui en disent plus qu’un long discours. Un trait dans une page peut être comme un sourire sur un visage et plusieurs traits peuvent s’articuler comme un corps ou une phrase : quand ils sont aussi subtilement placés dans l’espace de ce qui est, au fond, plus qu’un carnet ou un album, un livre, cela tend vers le neuf, le vivant, l’ouvert empli de promesses. Comme pour Jochen Gerner ou Manuel, il faudra guetter les étapes à venir de cette écriture aux frontières de — tout contre — la bande dessinée.
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