Diacritik, Christian Rosset, 27 septembre 2023
Ça raconte, d’une case à l’autre, d’une page à l’autre, mais sans nous imposer de fable. [+]
Mandoline est une bande dessinée « muette » de Pia-Mélissa Laroche aux Éditions Matière : un premier livre déployant (nous chuchote-t-on) quelques « variations musicales au charme vénéneux » susceptibles de « séduire les yeux comme les oreilles ». C’est donc en compositeur-interprète que je déchiffre cette partition graphique, même si, contrairement à ce qui se passe en musique (du moins comme je l’entends), ça raconte, d’une case à l’autre, d’une page à l’autre, mais sans nous imposer de fable ; ou alors une histoire « sans âge », ou mieux encore, entremêlant les âges de la vie : tant enfantine qu’issue d’un cerveau ayant roulé sa bosse (mais dessinée d’une main libre, non atteinte par les ravages d’une longue pratique). De réminiscences pop en acrobaties pianistiques (L’Escalier du diable est le titre d’une Étude pour piano de Ligeti qui me revient, tournant les pages), de souvenirs de serials du temps du muet en histoires jouées sur les tréteaux depuis des milliers de lunes, on suit cette partition en créant de nouvelles mesures de silence, sans pour autant arriver à se débarrasser de ces maudits « vers d’oreille » qui reviennent sans prévenir.
Comme un jeu d’enfant se frottant soudain aux échecs…, comme une histoire racontée avant l’endormissement se mixant aux derniers restes d’un rêve échevelé…, Mandoline apporte une jolie promesse, ce qui n’est pas rien. [-]