Les Lectures de Cachou (blog), Cachou, 17 juin 2014
Peter Haars nous fait donc rentrer dans un univers rutilant empruntant et pervertissant les codes des comics des années 50 [+]
Imaginez. Vous vivez à Prokon, une ville dans laquelle le chômage est inexistant, une ville remplie de consommateurs heureux faisant tourner les industries les employant. Un petit paradis que le méchant Dr Dracenstein veut détruire en créant une solution en spray rendant les choses éternelles, y compris tous ces produits faits pour se casser et être ainsi rachetés. Horreur, l’économie s’effondre. Que faire pour sauver Prokon ?
Si je n’avais pas lu dans ses premières pages que cette BD avait été publiée pour la première fois en 1971, j’aurais cru à une petite raillerie contemporaine dénonçant délicieusement la société de consommation actuelle. Cependant, elle est le fait d’un auteur qui avait déjà su lire au début des années 70 les dérives de celle-ci. À en croire cette parodie des histoires de super-héros des années 50-60 de Peter Haars, je me dis que les choses n’ont pas énormément changées ces quarante dernières années… C’est qu’on a tout ici : l’obsolescence programmée, la soif de consommation, le rejet de la différence. Obey. Sleep. Consume. Reproduce. Pour un peu, on se croirait dans They Live (Invasion Los Angeles).
Peter Haars nous fait donc rentrer dans un univers rutilant empruntant et pervertissant les codes des comics des années 50 dont l’esthétique a été magnifiée par le pop art en général et le fameux Roy Lichtenstein en particulier. Il y a un méchant très moche, un super-héros très musclé, des personnes en danger et quelques femmes très sexys. Ainsi qu’une fausse suite annoncée. Ça en serait presque jouissif si ce n’était pas aussi court. C’est que cette histoire grinçante dure le temps d’une pub. Cependant, c’est exactement la longueur adéquate pour faire passer un message sans lasser et il faut reconnaître à l’auteur le fait de savoir aller droit à l’essentiel. Dès lors, cette petite BD est à conseiller, à étudier en détails même pour comprendre le petit bijou malheureusement intemporel qu’elle semble être devenue…
PS : À lire pour avoir envie : la page consacrée à Prokon sur le site de l’éditeur.
PPS : Le numéro d’impression de cette BD est 1984. Avouez quand même que c’est beau. [-]