[…] Revenant sur le séisme-tsunami-catastrophe nucléaire qui survint au Japon en mars 2011,
Les Écrans, comme son nom l’indique, ne fait pas un récit frontal des événements, mais les relate à travers le filtre de nos ordinateurs et télévisions. Résultat : un entassement de guerre, de déraillements, d’explosions, d’accidents, de naufrages, projections désordonnées de ce flux d’images emmagasiné lors des semaines où Fukushima faisait la une.
De ce magma visuel se détachent trois voix : celle de la télé, avec ses bandeaux sévères qui défilent en continu 24h/24, sans hiérarchie ni recul ; celle d’une Japonaise qui donne des nouvelles à un proche ; et celle, mécanique, plus mystérieuse, d’une voix qui semble naître des écrans eux‑mêmes. Chaotique, alternant les styles graphiques,
Les Écrans apparaît comme un mélange de réalité et de fiction (beaucoup d’illustrations sont redessinées à partir de
comics ou d’affiches japonaises de la Seconde Guerre mondiale), assemblage d’images vues et d’autres rêvées, déformées par notre mémoire ou polluées par des associations d’idées. Ce que Jean Baudrillard, cité en exergue du livre, qualifie de «
déchet informatif, communicatif, informationnel, qui est aussi une masse inerte, […] une force d’inertie en quelque sorte, qui pèse sur l’événement même. » Un album composite, qui résume intelligemment la manière dont le flot d’informations qui nous abreuve finit en fait par totalement contaminer le message qu’il est censé délivrer.
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