La Liberté de l’est, Cécilia Cherrier, 4 octobre 2008
Les sœurs Bernadette ont marqué l’histoire de Thaon-les-Vosges. Leur méthode d’apprentissage de la religion [+]
Les sœurs Bernadette ont marqué l’histoire de Thaon-les-Vosges. Leur méthode d’apprentissage de la religion en images noir et blanc a fait le tour du monde, avant d’être interdite par l’Église dans les années 60.
Dans sa chambre de la maison de retraite de Saint-Jean-de-Portieux, sœur Henriette est en train de broder un napperon. Celle qui va sur ses 89 ans coule ici des jours paisibles. Elle et tant d’autres ont pourtant marqué l’histoire de Thaon-les-Vosges, dans leur maison de la rue de Lorraine où elles ont appris les choses de la vie aux enfants et aux jeunes filles. L’éducation religieuse mais pas seulement, la pollitesse, la couture, l’éducation ménagère, la cuisine par le biais d’images. En noir et blanc.
« C’est l’abbé Bogard qui a eu l’idée des images pour aider les enfants à comprendre le catéchisme », se souvient sœur Henriette. « Et c’est avec nous qu’il a expérimenté la méthode », ajoute-t-elle. Nous, ce sont au départ des jeunes filles qui se sont occupées des enfants de Thaon, hormis pour le scoalire, après que les prêtres et les religieuses eussent été chassées. C’était suite à la séparation de l’Église et de l’État en 1905.
« Les Bernadette étaient des dames au service des jeunes filles et des enfants. Deux d’entre elles étaient allées à Lourdes et sont revenues avec le capulet, morceau de tissu dont elles se coiffaient la tête. C’est pour ça que la population les a appelées les Bernadette ! » raconte sœur Henriette. Elle est arrivée là en 1942. Elle y est restée 60 ans et a été la dernière mère supérieure. Un vocabulaire religieux, une vie religieuse pour une communauté reconnue officiellement au milieu des années 60. Elle s’occupait de l’école ménagère appelée « L’institution Bernadette ». Les jeunes filles y étaient internes, de novembre à Pâques, pour apprendre à coudre, à repasser, à cuisiner… « C’étaient comme mes filles. Le soir, j’allais leur dire bonsoir à chacune et je donnais même un bisou à celles qui voulaient », lance-t-elle, racontant d’autres anecdotes prouvant la complicité existant entre elles.
Quant à la méthode Bernadette, soit 4 collections de 150 tableaux en tout entièrement réalisés par les sœurs au pochoir, elle a été approuvée par le Vatican en 1950. Elle a fait le tour du monde, avec les missionnaires, « alors que l’abbé Bogard pensait qu’elle ne sortirait pas de Thaon », reconnaît sœur Henriette. Puis, en 1967, elle est interdite par l’Église. « On a laissé tomber. On a mis les images à la poubelle », avoue sœur Henriette. Les pochoirs originaux, eux, ont été conservés précieusement dans leurs archives. D’autres documents ont été donnés aux Édituions Matière qui a sorti tout récemment un livre entièrement consacré à la méthode Bernadette, reproduisant de nombreuses images. Pour ceux qui seraient nostalgiques de cette époque ou pour les plus jeunes qui souhaiteraient les découvrir.
Une salle d’exposition permanente à Thaon-les-Vosges [encadré]
La Rotonde, haut lieu du patrimoine thaonnais, a subi de grands travaux. La salle de spectacles a été restaurée mais pas seulement. Au premier étage, une pièce entièrement rénovée va servir de salle d’expsoition permanente.
Et à qui sera-t-elle consacrée ? Aux sœurs Bernadette qui ont marqué de leur empreinte la ville. Car André Porel, adjoint au maire de Thaon-les-Vosges, en fervent défenseur de l’histoire locale, s’intéresse de près à la question. Médecin à Thaon depuis 1973, il les a d’abord soignées avant d’apprendre à connaître leur vie. Les dernières ont quitté leur couvent de la rue de Lorraine en 2006, un immense couvent que la Ville a ensuite racheté.
« J’ai fait une exposition dans le couvent pendant la période des fêtes en 2000-2001. Beaucoup de monde s’est déplacé de toute le France », se souvient André Porel. À ce moement‑là, sœur Henriette, la mère supérieure des « Bernadette » lui propose de lui faire don de matériel, dont il a mis un double à la chapelle salésienne.
Des objets — instruments de musiquen tableaux, chevalet, appareil photo miniaturisé… — qui se retrouveront exposés dans la salle d’exposition de la Rotonde. Et qui verront défiler de nombreux spectateurs ou visiteurs du lieu de spectacle. Elle sera donc ouverte aux regards, avec le concours de bénévoles, en décembre prochain. Et si le budget municipal le permet, André Porel aimerait pouvoir rénover une seconde salle au 2e étage de l’imposante bâtisse qui, elle, accueillerait des expositions temporaires. [-]