Courrier picard, Daniel Muraz, 13 juillet 2023
« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. » [+]
D’UNE CONSTITUTION AUSSI ÉTONNANTE QU’ENTHOUSIASMANTE
« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. » Cette harangue du révolutionnaire Danton, galvanisant l’Assemblée face au péril de l’invasion austro-prussienne en septembre 1792, Louka Butzbach semble l’avoir fait sienne avec cette drôle d’uchronie qui ne manque pas non plus de souffle révolutionnaire.
Poussée par son rêve de devenir dessinatrice de bande dessinée, la jeune Bordelaise Maximilienne est montée à Paris et a trouvé une place dans un atelier d’artistes, près de Bastille, qu’elle partage avec Camille et Charlotte. Le premier peaufine des œuvres très picturales d’esthète, la seconde enchaîne les strips alimentaires. Si le coût de la vie est cher et qu’il lui est difficile de placer ses premiers dessins auprès des éditions du marquis de Bouillé, Maximilienne va vite plonger dans l’effervescence intellectuelle et politique parisienne. La révolte gronde, le peuple a faim et, côté BD, les histoires de Diderot et Mirabeau, certes joliment dessinées, sont dépassées.
Bientôt la Bastille va être prise, les privilèges abolis. Charlotte s’engage auprès de Marat – pas franchement drôle mais dont le journal dessiné L’Insurgée reflète la colère ambiante – et devient élue de l’Assemblée constituante. La liberté de la presse est votée, les aristocrates se sont enfuis, les rotatives tournent à plein et inondent Paris de « journaux inventés, d’histoires inachevées, de tirages uniques », l’histoire, tragique et enthousiasmante est en marche…
Louka Butzbach – découvert avec cette Constituante mais qui s’est déjà fait un nom au sein de la BD alternative – assume totalement son parti-pris anachronique, on le voit. Si le décor est daté années 1970, les références historiques ramènent à la Révolution française et son histoire à celle du monde des auteurs (et autrices) de bande dessinée.
Un curieux mélange a priori loufoque et absurde mais qui emporte rapidement l’adhésion. Ses personnages souffrent parfois d’une certaine maladresse dans leur morphologie, mais sont très attachants. Et le dessin, élancé et élégant, efface les petites imperfections graphiques par sa fluidité poétique. Surtout, Louka Butzbach parvient à illustrer et restituer fort bien l’euphorie et la frénésie si particulière des instants révolutionnaires, quand les cadres éclatent, que tous les futurs semblent possibles. En politique ou, ici, en bande dessinée. Révolutionnaire, donc ! [-]