Radio Escapades, émission « Écritures dessinées », Bruno Canard, 27 juin 2023
Il y a dans ce premier album un enthousiasme et un plaisir de dessiner et d’écrire en bande dessinée qui sont absolument manifestes et très contagieux [+]
« Quatre bandes dessinées remarquables cette semaine. Commençons avec Zboing zboing de Paul Descamps. C’est publié par les Éditions Matière. C’est un éditeur que l’on reconnaît immédiatement. Il a choisi comme fond de ses couvertures un motif à rayures verticales jaunes et une sorte de blanc cassé. C’est très efficace : le dessin de l’auteur qui va le représenter en couverture ressort immédiatement, quel que soit l’auteur présenté.
Lorsqu’on feuillette Zboing zboing, on est surpris, séduit par une mise en couleurs très flashy avec des ambiances psychédéliques tenues jusqu’au bout du récit. Il y a une sorte de confrontation que l’on perçoit à plusieurs reprises entre musique rock psychédélique et ballon rond. Le récit : c’est la rentrée et le bahut est en émoi, il y a une bande de nouveaux qui vient de débarquer. Ils ont l’outrecuidance de vouloir truster les places du fond de la classe, et bien sûr les caïds populaires que sont ces musiciens psychédéliques vont contester cette mainmise. Il va donc y avoir un battle effréné qui va se dérouler, un battle royal dont les armes sont l’éloquence, la sape, le chant, le ballon rond, la prestance et les patins à roulettes.
Il y a dans Zboing zboing une sorte de comédie musicale de rêve avec des personnages très sensuels, échevelés, charismatiques, qui sont toujours impeccables et qui vont se livrer à des joutes psychédéliques contrariées par ces tourbillons créés par l’utilisation du ballon rond. C’est une sorte de bande dessinée montée sur ressorts et ces plateform shoes avec leur très grosse semelle.
Il y a à la fois le dessin, la mise en couleurs, le lettrage de Paul Descamps qui participent pleinement à cette comédie musicale de rêve. Le dessin de Paul Descamps est un dessin au trait fin assez souple et qui fonctionne parfaitement avec cet esprit psychédélique. Les amateurs de ballon rond ont un trait plus tendu. Et puis, il y a cette mise en couleurs qui utilise les couleurs psychédéliques, pour laquelle l’éditeur, afin d’être au plus près de cette harmonie colorée, utilise quatre tons directs Pantone — c’est-à-dire qu’il va pouvoir travailler sur des couleurs qu’on ne trouve pas d’habitude dans les bandes dessinées —, et donc l’ambiance coloré va être tout simplement très originale et unique. Et puis, il y a le lettrage. C’est un lettrage psychédélique mais qui est travaillé, qui va envahir la case, qui va être débordant et créer cette atmosphère absolument unique. Les cases sont très vite un fourmillement, il va y avoir des détails de partout. L’espace de la case est saturé. Il y a une scène de repas à la cantine du bahut qui est un véritable morceau d’anthologie : Paul Descamps multiplie les détails et cette ambiance de cantine est absolument incroyable. À elle seule, elle mérite le détour et mérite vraiment d’être citée dans les meilleures histoires de la bande dessinée.
Paul Descamps est un auteur qui est sorti diplômé de la Haute École des arts du Rhin, et qui a fondé avec deux autres auteurs, Louka Butzbach et Thomas Simon, une microstructure éditoriale, Art majeur, et puis plus tard une maison d’édition, la maison Vertigo. Il y a dans ce premier album un enthousiasme et un plaisir de dessiner et d’écrire en bande dessinée qui sont absolument manifestes et très contagieux. C’est un nouveau territoire de la bande dessinée que Paul Descamps explore et que les Éditions Matière ont parfaitement mis en valeur. […] » [-]