Radio Escapades, émission « Écritures dessinées », Bruno Canard, 11 octobre 2023
Le dessin de Louka Butzbach est d’une très grande élégance, avec le choix du trait fin qui va toujours être dans la précision [+]
« Les chroniques du dessin de cette semaine sont consacrées à la “puissance du trait”. Commençons aujourd’hui avec trois récits, et notamment celui de Louka Butzbach, La Constituante.
Le récit : nous découvrons Maximilienne qui est montée à Paris et qui, grâce à une petite annonce, va rencontrer Camille et Charlotte, et partager avec elles un atelier qui se trouve non loin de Bastille. Maximilienne va se consacrer à la bande dessinée, mais la vie est rude et le pain est cher. Des contacts vont se nouer avec d’autres artistes exaltées et affranchies et qui vont intégrer le moment insurrectionnel qui va courir tout au long de cette histoire. Nous semblons être dans cette période révolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle mais assez vite des anachronismes totalement voulus vont créer une fusion des époques entre le moment insurrectionnel de la révolution et celui actuel : il y a une permanence de l’exaspération et de la colère.
Le dessin de Louka Butzbach est d’une très grande élégance, avec le choix du trait fin qui va toujours être dans la précision, donner de l’élégance aux silhouettes en allongeant les représentations du corps pour que tous paraissent élancés. Il y a une volonté de donner un mouvement, une dynamique plus appuyée, et il y a ainsi des moments de dessin qui vont donner une image particulière, et notamment une relation aux corps plus inhabituelle mais qui va complètement nourrir ce récit. L’utilisation de trames, de lavis de gris va donner aussi un style personnel à cette histoire. Les décors vont être plutôt simplifiés pour donner toute leur dimension aux corps. Il y a également un travail sur le motif, notamment des tissus, des vêtements qui va singulariser une nouvelle fois cette mise en images.
La fusion des époques est d’une très grande intensité parce que cela va donner cette permanence à ce moment de révolte. Il y a aussi une présentation de la bande dessinée comme une espèce d’art présent dès l’origine de ce moment révolutionnaire, qui est nourrit et souligné par la dimension de la bande dessinée d’aujourd’hui qui est un des arts narratifs les plus féconds. Le thème de la liberté de la presse va également être mis en avant avec cette même permanence. C’est un récit d’une très grande originalité, d’une très grande efficacité, et qui est une des premières manifestations de la “puissance du dessin”. […] » [-]