BoDoï, M. Ellis, 13 novembre 2014
Un livre jubilatoire et ultra malin qui fait du bien au cerveau et aux zygomatiques. [+]
Tout le monde connaît Tarzan. Stéphane Trapier un peu moins. Et pourtant son livre Tarzan contre la vie chère, au titre programmatique, fait partie de ces perles qu’on aurait regretté de manquer. L’auteur rejoue ici des scènes du cinéma d’antan — westerns, capes et épées, piraterie et péplum — mais propulse ses personnages dans notre modernité tournée en dérision.
Imaginez Tarzan disserter sur l’empreinte carbone, Jane évoquer le prix d’un forfait mobile, un chasseur clamer du Marc Lavoine, une impératrice aborder la parité et Napoléon la baisse du coût du travail… Écologie, sociologie, finance, politique, pouvoir d’achat, rien ne fait peur à ces héros datés mais clairvoyants, convoquant Freud et Kafka, anticipant Magritte, ou allergiques au gluten en plus d’être illettrés…
L’auteur place dans leur bouche des préoccupations actuelles qui n’en paraissent que plus ridicules, confrontant une forme de noblesse du cinéma à la vacuité des sociétés postfordistes, celles de la consommation érigée en valeur suprême. Slogans publicitaires stupides, paroles de chansons populaires ou langages de programme politique animent ainsi les cordes vocales de ces acteurs manipulés. Résultat, par son art de l’anachronisme calculé et l’intelligence de ses décalages, Stéphane Trapier fait rire aux éclats, avec une pointe de lucidité résignée dans le ton. Et offre l’image d’une époque aseptisée, un peu ridicule et vaine, pour mieux en souligner sa ponctuelle médiocrité. Un livre jubilatoire et ultra malin qui fait du bien au cerveau et aux zygomatiques. Une belle surprise. [-]