Affaires de gars.com, Philippe Michaud, 7 juillet 2014
Les adeptes de bandes dessinées actuelles trouveront peut-être le trait un peu « vieillot » [+]
Prokon de Peter Haars (1940-2005) avait été publié pour la première fois en 1971 en Norvège. Par contre, il a fallu attendre plus de 40 ans pour que cette bande dessinée arrive enfin chez nous en français. L’attente a été certes très longue, voire interminable, mais elle en valait largement la peine.
L’action se déroule à Prokon, une ville où tout le monde semble heureux. En effet, la ville est le parfait exemple de la société de consommation (le nom de la municipalité provient de la contraction des mots PROduction et KONsommation). Tout le monde travaille, ce qui veut donc dire que tous les habitants ont assez d’argent pour consommer des biens, ce qui signifie également que les entreprises sont assez prospères pour engager du personnel et ainsi de suite.
En fait, il n’y a qu’un habitant qui ne profite pas des joies du capitalisme : le Docteur Dracenstein. Mais il ne souhaite pas en rester là. Le savant fou, qui habite dans la forêt en bordure de Prokon, a mis au point une sinistre invention dans le but de devenir le maître absolu de la ville. Grâce à son fluide, qui fait durer éternellement les objets, il croit mener la ville au chaos.
Il faut dire que la société de consommation repose en grande partie sur l’obsolescence des produits manufacturés. Après quelques années, les produits brisent ou sont tout simplement remplacés par des nouveaux produits encore plus cool. L’aérosol d’éternité du vilain Docteur risque de briser à jamais le cycle. Pourquoi s’acheter une nouvelle voiture si celle qu’on a fonctionne parfaitement ?
Heureusement, la ville peut compter sur l’aide de Ultra Héros, un super-héros dont le but est de protéger les droits des habitants de Prokon et plus précisément des entreprises. Je ne vous dis pas comment ça se termine, mais la fin est sublime.
Vous l’aurez remarqué, Prokon avait été écrit à l’époque pour critiquer la société de consommation. Près d’un demi-siècle plus tard, l’œuvre de Haars est toujours d’actualité. Et on pourrait même dire qu’aujourd’hui, c’est encore pire avec l’avènement de la technologie. Je ne vous apprends rien en vous disant que les ordinateurs et les téléphones intelligents ont été conçus pour avoir une durée de vie très courte. On s’achète le dernier PC et il nous semble presque déjà dépassé. De toute façon, même si on voulait le garder des années, on finirait par avoir de la difficulté à aller sur Internet ou encore à installer les derniers logiciels.
On ne s’étonne pas que le dessin, en noir et blanc, soit à l’opposé de ce qui se fait aujourd’hui. Les adeptes de bandes dessinées actuelles trouveront peut-être le trait un peu « vieillot ». Personnellement, j’ai trouvé que le dessin était en parfaite harmonie avec le scénario. Un dessin plus « moderne » n’aurait pas été mieux.
Avec un sens de l’humour fin, Prokon nous fait réfléchir sur les failles de notre société de consommation et même sur l’absurdité de plusieurs de ses facettes. Une bande dessinée qui n’a pas pris une ride en 43 ans. [-]