ActuaBD, Beatriz Capio, 7 juillet 2010
Pas plus que les paparazzis et leurs lecteurs voyeurs, Eugénie Lavenant [+]
Cocaïne et chaussons blancs « raconte » la trajectoire d’une chanteuse à la dérive, bonne cliente des tabloïds et des cliniques de désintoxication. Composé de portraits, légendés ou non, dessinés d’après photos, voire décalqués, le livre invoque l’image d’Amy Winehouse et ses frasques, telles que rapportées par les journaux à scandales britanniques. L’auteure travaille les clichés du personnage de fiction publique, et fait écho à sa mythologie à travers ses commentaires narquois et détachés.
Le talent certain d’Eugénie Lavenant s’illustre régulièrement dans les pages de Rock & Folk, ou plus récemment à travers l’exposition itinérante Des Jeunes Gens mödernes, promue par la fondation Agnès B., qui s’est établie à Paris, puis à Hong Kong, et enfin en mai et juin de cette année à Bruxelles. On trouvait ses travaux aux côtés notamment de ceux de Pierre la Police, Enki Bilal, ou Bazooka, dont l’influence est patente, au point d’en être gênante. Les raisons qui ont poussé Jean-François Sanz, commissaire de l’exposition à inclure une auteure dont le travail n’appartient pas à l’époque représentée, et qui de toute évidence la pastiche sans véritable recul sont mystérieuses. Celles qui ont amené les exigeantes Éditons Matière à publier le présent livre le sont tout autant.
On pense bien qu’il y a ici prétention à la distanciation, à la dissection de ce produit particulier de la « société du spectacle » dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles depuis que Guy Debord à inventé la formule. Force est de constater cependant que le livre se referme sur lui-même. L’auteure se satisfait de juxtaposer, sans apporter du sens, si ce n’est par accumulation, et donc overdose, les portraits de l’icône déchue. Pas plus que les paparazzis et leurs lecteurs voyeurs, Eugénie Lavenant ne parvient pas à expliquer pourquoi elle s’attarde sur la personne d’Amy Winehouse, sinon pour observer son autodestruction, et ses addictions branchées. Toute choses qui font généralement grimper la côte des artistes… et de ceux qui en parlent.
Un sens de l’esthétique et des justifications conceptuelles ne suffisent pas à faire un livre digne de ce nom. Rappelant la psychologie de boîte à partouze du grand cocaïnomane Andy Warhol, le livre se refuse toute articulation dialectique ou poétique, et fleurte avec la tautologie, le catalogue complaisant, la complète inanité. [-]