That goddamn languageStefanie Leinhos
Déplier That Goddamn Language, c’est découvrir et explorer, panneau après panneau, pièce par pièce, les éléments épars d’un intérieur désolé. C’est aussi découvrir progressivement, entre murs lépreux, mobilier hors d’usage et plancher défoncé, de grandes formes molles vaguement familières. Ces formes — presque des corps — gisent exsangues, abattues, comme hors d’usage mais omniprésentes, encombrantes, trop grandes, envahissantes (occupantes légitimes des lieux, parasites ou résidus ? Impossible à dire) mais peut-être à l’affût, en fin de compte, prêtes à surprendre un malheureux visiteur, à lui tendre un piège, un croche-pied ou même prêtes à s’abattre sur lui pour l’étouffer.
Soudain… Bon Dieu ! Ces formes ! On réalise : mais ce sont des lettres, bon sang ! Des lettres monstrueuses, difformes, perverses… That goddamn language ! Ce satané langage : signes, signifiants, signifiés jamais tout à fait accordés, jamais tout à fait distincts… Le bâtiment, la demeure, le monde, quoi — cette ruine — en sont truffés… Les lettres, ces lettres qui se refusent obscurément à former un sens assuré, des mots qui soient de vraies choses, sont partout, projetant des ombres angoissantes, se tordant sur elles-mêmes, générant des ambigüités malsaines.
On comprend que le piège, le dépliant, les linéaments de tout discours, de tout récit sont bien tendus, ne laissant espérer en guise d’échappatoire que la folie ou la mort.
REVUE DE PRESSE
The Comics Journal, Kim Jooha, 7/3/2019leporello, 11,5 x 15 cm
tirage limité à 300 exemplaires,
non diffusé en librairie, 3 €
Sans issue. « Dead end », disent les anglophones.
Case finale de That Goddamn Language.