ProkonPeter Haars traduit par Laurent Bruel


Au cœur d’un pays baigné de soleil, de télévision et de publicité rayonne la ville de Prokon. Son nom seul, comprimant les mots PROduction et KONsommation, suffit à désigner l’utopie qu’elle incarne avec insolence : Prokon est le lieu du capitalisme parvenu à son stade ultime de perfection. À Prokon, chaque individu possède un emploi qui lui permet de consommer, la consommation justifie la production, la production garantit le niveau d’emploi, le travail salarié assure la consommation, etc. Confits de bonheur, de lotissements résidentiels et de plaisirs standards, les habitants de Prokon se vouent corps et âme à la reproduction sans horizon de leurs désirs et de leurs modèles, à la répétition des gestes et des jours.
À ce principe de perfection machinale s’oppose, en marge de la cité, un savant fou, un inventeur mégalomane et génial, le Dr Dracenstein. Ayant compris que la vitalité morbide de Prokon repose sur l’obsolescence programmée des produits manufacturés, le Dr Dracenstein met la main, dans sa cabane au fond des bois, à sa dernière arme : un « spray d’éternité » qui par simple pulvérisation figera à jamais objets, produits et mécaniques dans leurs fonctions et dans leurs qualités d’origine… Sous l’action de l’aérosol, consommer ne sera plus une nécessité. Bientôt, le désir d’acheter s’émousse, les ventes s’effondrent. Le spectre du chômage hante Prokon. Angoissés mais déterminés face à la crise, les patrons décident d’une trêve dans la saine compétition qui les oppose pour faire appel à Ultra-héros, le surhomme…

Créée en 1971, la réjouissante bande dessinée de Peter Haars n’avait jamais été publiée hors de Norvège. Sous ses dehors grand-guignolesques, la fable est plus subtile qu’elle n’en a l’air. C’est un attentat à la bombe (aérosol), une vivifiante explosion graphique.

REVUE DE PRESSE

DMPP (n°11), Alexandre Balcaen, 24/7/2015
Matière creuse une ligne post-moderne héritée du situationnisme [+]
Radio Campus Paris, “Mini gratin BD”, Yassine, 3/2/2015
Une œuvre unique issue du foisonnement graphique des années 70 [+]
Silence, n°430, Francis Vergier, 2/1/2015
Vraiment précurseur [+]
Courrier picard, "Bulles picardes", Daniel Muraz, 21/7/2014
D'une fulgurante actualité [+]
Radio Zinzine, “1001 Schnagalaf”, chronique d’enfants et d'ados, 13/7/2014
En fait, j’ai pas lu les dernières pages, parce que… [+]
Affaires de gars.com, Philippe Michaud, 7/7/2014
Les adeptes de bandes dessinées actuelles trouveront peut-être le trait un peu « vieillot » [+]
Cité internationale de la bande dessinée et de l’image (website), s.n., 7/7/2014
Une dénonciation subtile de la société de consommation [+]
SerieNett (blog), Trond Sätre, 22/5/2014
Prokon, one of the oddest and most unique (for better or for worse) graphic novels in Norwegian history has just been published in French by Éditions Matière. [+]
Zoo, n°54, Olivier Pisella, 1/7/2014
Avec ironie, cette étonnante fable de 1971 met en évidence les liens entre capitalisme, [+]
BoDoï, M. Ellis, 1/7/2014
[…] assemblages/collages percutants : onomatopées criardes, slogans outranciers, typographie dépouillée, hachures, visages dupliqués, gros plans et trames foncées [+]
Les Inrockuptibles, Anne-Claire Norot, 25 juillet 2014
Une fable contre la société de consommation dessinée dans l’esprit du pop art [+]
Les Lectures de Cachou (blog), Cachou, 17/6/2014
Peter Haars nous fait donc rentrer dans un univers rutilant empruntant et pervertissant les codes des comics des années 50 [+]
L’Accoudoir (blog), Mikaël Demets, 12/6/2014
Un petit trésor d’ironie, doublé d’une réflexion graphique sur l’omniprésence de la surenchère visuelle. [+]
Radio libertaire, « Bulles noires, bulles de rêve », Stéphane Allegret, 7/6/2014
[Interrogé par Stéphane Allegret, Laurent Bruel présente Prokon et dialogue avec Arnaud Chneiweiss, auteur du polar Meurtre dans l’Eurostar aux éditions du Cherche-Midi.] [+]
France Inter, “Addictions”, Anne & Julien, 6/6/2014
Il y a très peu de planches et il y a une force de frappe absolument délirante. [+]
Je fouille aussi par derrière (blog), Arturo B., 15/5/2014
Le bonheur c'est produire. [+]
SerieNett (website), Trond Sätre, 23/5/2014
Prokon på fransk. Dette er første gang serien er blitt utgitt på et annet språk, i alle fall så vidt [+]
Œdipe purple (blog), Maximilien Douche, 31/5/2014
La société se porte à merveille en ce moment. Évadez-vous, n’hésitez pas, lisez Prokon. [+]

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56 pages, noir & blanc, mai 2014
broché, 15 x 21 cm
EAN 9782916383446, 13 €

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Pop evil

Forgé dans un non-lieu en marge de la ville de Prokon, le Dr Dracenstein est le fruit d’une opération monstrueuse, la fusion de deux créatures maléfiques. Moitié Dracula, moitié créature du Dr Frankenstein, il prétend avec quelques atouts incarner le Mal absolu.

Nourri de la littérature romantique de Bram Stoker et de Mary Shelley, Peter Haars en profite au passage pour rendre hommage au cinéma populaire qu’il affectionne : on reconnaît dans le visage composite du Dr Dracenstein aussi bien les traits et les expressions outrées de Christopher Lee, qui joua une dizaine de fois Dracula à l’écran, que le faciès et les attitudes de Boris Karloff, le premier et le plus effrayant des interprètes de la créature cadavérique.

 

En tant que vampire, le Dr Dracenstein vise à détruire Prokon en se nourissant de ses forces vitales. En tant que créature inventée et fabriquée de toutes pièces, il est en droit de revendiquer pour lui‑même une capacité d’invention inédite. Le Dr Dracenstein est l’Inventeur : ses capacités de création puisent aux sources de la négativité pure.

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Pop stars

Pour figurer la population idéale de Prokon, Peter Haars s’en est allé à la chasse aux têtes. Sélectionnés parmi les vedettes prêtes‑à-l’emploi de l’époque, on croit reconnaître Robert Kennedy en petit commerçant et Daniel Cohn‑Bendit en ouvrier jovial, tandis que Tina Turner prête naturellement sa silhouette et sa gestuelle à la « Pro‑star ».

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Pop spray

Le principe de la vaporisation aérosol est breveté en 1927 par l’ingénieur et inventeur norvégien Erik Andreas Rotheim (est-ce à lui que pensa Peter Haars lorsqu’il imagina le Dr Dracenstein ?). Durant la Seconde Guerre mondiale, les chercheurs américains Goodhue et Sullivan développent pour l’US Army le premier usage, militaire et insecticide, de l’aérosol. Après guerre, la bombe vaporisatrice connaît de plus en plus d’applications pratiques, au point de devenir l’un des emblèmes du consumérisme des années 1960‑1970.
Par deux fois, le peintre Roy Lichtenstein consacre l’objet, faisant de la bombe aérosol le symbole même du pop art et de sa diffusion, le signe attentatoire, métaphorique et ironique, d’une peinture moderne dépouillée de sensibilité, débarrassée de sa tradition comme on se débarrasse d’un moustique.
Neuf ans plus tard, Peter Haars prolonge avec Prokon le geste de Lichtenstein, confiant à la bombe le pouvoir bien plus étendu de pulvériser — en tous sens du terme — la société marchande et ses produits.

1_ Erik A. Rotheim, extrait du brevet de la bombe aérosol, 1927.
2_ Roy Lichtenstein, Spray, 1962.
3_ Roy Lichtenstein, Aerosol spray can, 1962.
4_ Peter Haars, extrait de Prokon, 1971

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Pop up

L’histoire de la science fiction et de la bande dessinée est jalonnée de machines vouées à matérialiser ex nihilo êtres vivants ou objets. À leurs manettes se succèdent tour à tour démiurges bienveillants, savants fous, faussaires, inventeurs désintéressés et philantropes.

Au sein de cette série, Prokon se distingue en attribuant une fonction inédite au « matérialiseur » : en finir avec la société marchande.

 

1_ Superboy contre Lex Luthor, inventeur du « casque matérialiseur », 1962.
2_ Rastapopoulos détourne le photocopieur 3D du professeur Tournesol dans le film et l’album Tintin et le lac aux requins (réalisation Raymond Leblanc, scénario Greg), 1972.
3_ synthétiseur alimentaire, série Star Trek, années 1960.
4_ matérialiseur exrait de Prokon, 1971.
5_ imprimante 3D, 2014.

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