MandolinePia-Mélissa Laroche
Comme tirées d’un sommeil lourd, comme échappées d’une fable sans âge ou de l’album cartonné d’un enfant depuis longtemps sénile, quelques notes de musique s’élèvent à la façon d’un génie sorti d’une bouteille. Noires, croches, blanches s’envolent, se transforment, s’aplatissent, glissent, se transportent plus loin, plus loin réapparaissent et se métamorphosent encore. Sur leur passage, les objets inanimés s’activent, les êtres sont secoués d’un frisson, traversés par une sensation, par l’amorce d’une idée, d’une action.
Mais le temps d’esquisser un geste, la scie hélas s’esquive, déjà l’antienne passe à l’as. Faisant fi, faisant flûte du temps, les notes, en mille transcriptions imprévisibles, farandole de signes minuscules ou fumeroles charbonneuses, franchissent librement les époques, les cases et les pages où les êtres comme les choses restent englués dans une sourde lourde mélancolie. La ritournelle passe, ses notes tantôt caressent des caboches, tantôt les meuvent, les émeuvent, les enchantent puis tout aussitôt les quitte, les laisse à leur langueur.
Dans ces espaces étanches où pas une parole ne s’échange, où aucun son ne vibre, vivement virevoltent les notes : elles se sont faufilées silencieuses par le combiné d’un téléphone, elles sortiront, gracieux gribouillis, d’un tuyau ou d’une conque. Dans ces volutes graphiques, à travers ces notations évanouies rien n’aura été communiqué, aucun secret trahi.
Chut !
Qu’entends-je ?…
L’écrit.
REVUE DE PRESSE
Actuallité, Jean-Charles Andrieu de Levis, 13/3/2024dos carré collé, cousu, 17 x 24 cm
9782916383729, 20 euros
Mandoline met en scène nombre d’instruments et de situations de communication. En dépit de ces moyens, les personnages de Mandoline restent seuls, assignés chacun à leur case. Rien ne se dit, rien ne se communique dans Mandoline.
Comme voués au silence par une malédiction, figés, pétrifiés tels les protagonistes d’un conte horrifique, les êtres restent impuissants à s’exprimer, à échanger ou simplement à entrer en relation avec d’autres qu’eux-mêmes. Ce qui, à travers et malgré eux, circule est la musique, ou en tout cas ses signes, de simples notes, les notations musicales qui, de leurs instruments, de leurs yeux, de leurs oreilles, s’échappent et vagabondent, plongent dans d’autres corps, d’autres têtes.
Dans Mandoline, la musique, infra-langage involontaire, est ce qui relie et tout aussi bien sépare, est ce qui fait vibrer des êtres résignés à la mélancolie, des êtres creux qui ne savent que résonner.
Mandoline est sélectionné pour le prix BD décerné pour la première fois par le festival Formula Bula lors de son édition 2023.
jeudi 21 septembre 2023, à partir de 18h00
Villa Belleville
23 rue Ramponeau, Paris 20e
Soirée de lancement de l’ouvrage Mandoline en présence de Pia-Mélissa Laroche,
+ exposition de l’intégralité des planches originales,
+ mise en vente de trois sérigraphies à tirage limité imprimées par Anaïck Moriceau,
+ concert mystère par Petra Moriceau.
vendredi 22, samedi 23 et dimanche 24 septembre 2023, après-midi
festival Formula Bula
Césure
13 rue Santeuil, Paris 5e
Rencontres-dédicaces avec Pia-Mélissa Laroche.