La Salle de la mappemondeYûichi Yokoyama traduit par Céline Bruel
Trois hommes costumés et masqués s’aventurent dans une ville inconnue. Tel un commando en mission secrète, ils sont à la recherche d’un lieu, d’un objectif qu’ils ne connaissent qu’approximativement. Au détour d’architectures oppressantes, ils sont vite confrontés à d’inquiétants groupes d’hommes en uniforme. La tension nouée entre les protagonistes, autant que la pesanteur des situations, laisse craindre l’imminence d’un drame. Que font ici ces milices urbaines ? Qu’est-ce qui justifie qu’elles se comportent en maîtres des lieux ? Quelles activités sont réellement les leurs ? Trafic ? Crime à grande échelle ? Déprédation ? Terrorisme ? Putsch militaire ?…
En dépit de ces rencontres, nos trois hommes parviennent à destination. Sans se départir de leur feinte nonchalance, ils se présentent au portail blindé d’une luxueuse villa. Le propriétaire des lieux, un dandy aux airs mystérieux, les laisse pénétrer au cœur de cette forteresse dont il semble avoir l’usage exclusif. Après leur avoir offert quelques verres d’alcool et les avoir menacés d’une arme à feu, il leur accorde cependant le privilège d’accéder à son très vaste jardin et à une bibliothèque unique en son genre : la salle de la mappemonde…
Pour ce huitième volume, Yokoyama a souhaité s’inscrire à sa façon dans la filiation du gekiga…
REVUE DE PRESSE
Archiscopie, n° 14, s.n., 2 avril 2018broché, 15 x 21 cm
9782916383521, 19 €
Comme pour ses précédents ouvrages, Yûichi Yokoyama a souhaité accompagner son récit de commentaires. Sous le titre « Éléments de synopsis », il livre, pour quelques pages, certaines idées ayant orienté la composition des scènes, ou certains détails auxquels prêter attention :
« Le présent ouvrage est une bande dessinée où personne ne sourit. Les protagonistes sont constamment sur leur garde. Ils ne laissent rien au hasard et leurs rapports sont tendus. Ils ne semblent pas visiter cette ville immense par loisir, pour leur distraction, mais plutôt en vue d’une action imminente. Même chose pour les hommes rencontrés en ville : ceux-là sont méfiants envers les étrangers. Leur attitude n’est guère engageante. »
« Dans ce récit, la civilisation à laquelle appartiennent les personnages, notamment ceux à tête sphérique, semble différente de la nôtre. »
« Le titre de ce récit est emprunté à la salle du palais italien dans laquelle Mussolini avait fait installer son bureau. Cette salle a réellement existé mais la nôtre n’y ressemble pas. La fameuse salle apparaît sur cette page, située au beau milieu du livre. Elle est ornée d’une carte du monde qui semble s’étendre à l’ensemble du plafond. Cette carte du monde pourrait ne pas être un simple dessin, mais plutôt une projection vidéo relayée depuis l’espace.
J’ai découvert un écran de ce type au Musée national des sciences émergentes et de l’innovation, à Odaiba dans la baie de Tokyo : on y voyait la surface du globe projetée en temps réel. Peut-être y est-il encore. »
« L’un des murs du bâtiment est entièrement couvert d’images de surveillance. Ce bâtiment et ce qui l’environne sont exposés quotidiennement à une situation dangereuse. »
« Sur l’un des murs, une bibliothèque contient des ouvrages de toutes sortes. À l’intérieur d’un de ces livres apparaît encore un écran, qui diffuse des données et des images de surveillance. C’est un thème que j’affectionne. »
« Le pistolet est équipé d’une lunette de visée infrarouge permettant un tir de précision, même de nuit. »
« Dans la salle de la mappemonde, également désignée “bibliothèque”, apparaît un homme intelligent et impeccable. Il porte un nom, ce qui est assez inhabituel dans mon travail : il s’appelle Enterprise. Nulle part dans le récit il n’est nommé de la sorte mais, au fil des cases, on peut lire le mot “Enterprise” défiler lettre à lettre à la surface de son vêtement. J’ai eu l’occasion de voir à la télévision qu’une technologie permet de transformer en écran des matériaux souples tel le caoutchouc ou des tissus. »
« Sur la bouteille d’alcool, on distingue des visages gravés. »
« D’après les atlas, à l’époque de la formation des océans existait sur Terre un unique et immense continent, la Pangée, qui par la suite s’est divisé jusqu’à adopter la géographie que nous connaissons de nos jours. Sur les vêtements de ce personnage, les chiffres indiquent l’âge de l’ancien continent : 33 pour 3,3 milliards d’années. 00 correspondant à l’époque actuelle. »
« Dans le dos du personnage à tête ronde qui attend les visiteurs, se trouve également une carte du monde. Si l’on regarde attentivement cette carte, on voit qu’elle évolue de case en case. La première carte montre, au milieu de l’océan, une masse dense et imbriquée. À mesure du récit, ce continent va en se divisant. De même, le nombre sur la poitrine du personnage évolue. On comprend que ce nombre se rapproche de zéro à mesure de la progression dans le jardin. »
« Les personnages partis se promener dans le jardin débouchent sur un grand lac au milieu duquel se trouve une épave. On est sur le point d’en apprendre l’origine lorsque le récit se termine abruptement.
Le présent volume est le premier d’une série qui en prévoit trois autres : Hanazono, Port en eaux glacées, et Le Parcours (titres provisoires). Pour l’heure, il n’est pas possible d’indiquer une date d’achèvement pour cette série. »
En 1922, Benito Mussolini choisit le palazzo Venezia (1455) à Rome pour en faire le siège du gouvernement fasciste. Parmi les trois salles monumentales, la salle de la mappemonde était réservée à l’accueil des ambassadeurs et des chefs d’États, ainsi qu’aux manifestations officielles. La salle de la mappemonde restait en permanence allumée afin de montrer que les dirigeants ne se reposaient jamais. Depuis le balcon, Mussolini accueillait la foule lors de grands événements tels la conquête de l’Éthiopie en 1936 ou l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de l’Allemagne nazie et du Japon, en 1940.
« Peu après avoir commencé ce manga, j’avais été invité à participer à une exposition en hommage à Vagabond, de Takehiko Inoue. C’est ainsi que m’est venue l’idée de ce personnage, qui évoque Vagabond mais dont le modèle est en réalité l’acteur Charles Bronson » (propos de Yûichi Yokoyama extraits du reportage « L’atelier de Saitama » publié dans Back Cover, n° 6, spécial Japon, 2013).
12 mai 2016 : soirée de lancement de La Salle de la mappemonde.
Philippe le Libraire
32 Rue des Vinaigriers
75010 Paris