soeurs Bernadette
Au tournant du XXe siècle, au village de Thaon-les-Vosges, en Lorraine, quelques jeunes ouvrières décident de se vouer secrètement à Dieu. Ces « vierges séculières », ces « suivantes du Christ » s’efforcent de convertir leurs camarades aux usines de blanchisserie, tout en luttant contre l’illettrisme par l’organisation de divers cours du soir.
En 1905, au moment de la séparation de l’Église et de l’État, elles s’engagent dans la lutte contre la laïcité, au point de faire figure d’héroïnes locales en maintenant coûte que coûte, clandestinement (cours donnés dans des caves, des sœurs faisant le guet pour éviter les patrouilles et les descentes de gendarmes…), l’ancien enseignement désormais interdit. C’est dès cette époque sans doute que naît la vocation militante de celles que la population de Thaon-les-Vosges nomme désormais les « sœurs Bernadette ».
Au début des années 1930, ce militantisme religieux trouve à se formaliser, à se radicaliser par la mise au point d’un enseignement catéchistique audiovisuel, dit « Méthode Bernadette ». Par cette méthode, les sœurs entendent non seulement éduquer pieusement la jeunesse, mais encore lutter avec des images contre les images du monde (presse laïque, pornographie, cinéma, art moderne…).
Le premier volume catéchistique est une « Vie de Jésus » en 150 images silhouettiques, soit 150 cartons à accrocher dans une salle. Datée de 1934, elle est entièrement réalisée et tirée à une dizaine d’exemplaires par la technique du pochoir. Quelques années plus tard, pour faire face aux commandes des paroisses françaises et des pères missionnaires établis dans les colonies, les images sont dessinées à l’encre noire, puis imprimées par procédé photomécanique.
Au plus fort de leur activité, dans l’immédiat après-guerre et tout au long des années 1950, les Bernadette forment une communauté d’une quarantaine de femmes. En tant qu’auteur, les « sœurs Bernadette » consistent, au sein de cette communauté, en un noyau d’une dizaine de personnes réparties selon divers postes techniques. Au cœur de ce noyau se trouve le curé de Thaon-les-Vosges, l’abbé Bogard, qui décide du programme iconographique, et sœur Marie de Jésus, qui compose et dessine selon ses instructions.
Le « studio d’art religieux », ainsi animé, fonctionne durant près de trente ans, jusqu’en 1965, à la mort de l’abbé Bogard. En 1967, la Méthode est définitivement interdite par l’Église. Sœur Marie de Jésus décède en 1969.
En 2006, les sœurs Bernadette (ayant entretemps gagné le giron de l’Église, et formant désormais congrégation) n’étant plus qu’au nombre de trois, quittent leurs locaux historiques. Elles ont pris soin, avant cela, d’autoriser et de faciliter l’élaboration d’un ouvrage aux Éditions Matière, ainsi que de faire donation d’un grand nombre de documents à la Ville de Thaon et au musée de la photographie Nicéphore Niépce (Chalon-sur-Saône).
En 2008, le musée Nicéphore Niépce consacre une exposition à la Méthode Bernadette.
La librairie-galerie Le Monte-en-l’air présente elle aussi une sélection de planches et cartes postales originales de la MB.
REVUE DE PRESSE
La Liberté de l’est, Cécilia Cherrier, 4 octobre 2008Sœur Henriette (à droite) et ses sœurs, début des années 2000.
« La Ruche » était le surnom donné par les sœurs Bernadette au bâtiment qui accueillait leurs vrombissantes activités. Au début des années 1940, afin de compléter un petit ensemble immobilier cédé par la paroisse, les sœurs avaient entrepris, avec l’argent gagné grâce à la vente des images Bernadette, de bâtir un austère et imposant édifice de béton.
C’est en ce lieu, en 2007, que les Éditions Matière rencontrèrent sœur Henriette et ses trois dernières compagnes, et découvrirent la Méthode.