BFM TV (website), Mélanie Godey, 16 janvier 2015
Coup de froid sur le showbiz [+]
La peur des attentats jihadistes pèse sur le monde du spectacle.
Avec les récents événements, le monde du spectacle se retrouve confronté à une forme de censure. Certains n’ont pas hésité à déprogrammer un film ou encore à refuser une affiche de spectacle. Coup de froid sur le showbiz. Au lendemain des attentats meurtriers commis par des islamistes à Paris la semaine dernière, certains estiment qu’il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu en programmant tel film ou en placardant telle affiche. Ainsi le très plébiscité Timbuktu d’Abdherrahmane Sissako a été déprogrammé dans une commune du Val-de-Marne et l’affiche du prochain spectacle de Patrick Timsit retoquée par la société JCDecaux.
Les habitants de Villiers-sur-Marne devront patienter ou aller ailleurs s’ils souhaitent voir le film Timbuktu d’Abderrahmane Sissako. En effet, le maire UMP de la ville Jacques-Alain Bénisti a décidé de déprogrammer les séances dans le cinéma municipal pour des raisons de « sécurité », révèle ce vendredi Le Parisien (article réservé aux abonnés). L’élu dit avoir « peur que ce film ne fasse l’apologie du terrorisme. »
En compétition au festival de Cannes en 2014, Timbuktu parle d’un village malien tombé sous le joug de jihadistes ayant imposé la charia à la population. Alors qu’ils vivaient une existence paisible, ces habitants terrorisés par les extrémistes voient d’un coup leur quotidien changer. « Ce n’était juste plus possible de le diffuser maintenant. Nous le repasserons plus tard, j’attends de voir comment évolue la situation », riposte l’élu à l’opposition locale qui lui reprochait de « céder ». « Nous étions en accord avec le maire sur le fait de ne rien céder, d’organiser comme prévu les vœux du maire. Et ne rien céder, c’est aussi poursuivre la diffusion de ce genre de film », déplore le député PS Frédéric Massot dans les colonnes du quotidien.
Ne rien lâcher, Stéphane Trapier est du même avis. Il est celui qui a dessiné l’affiche du prochain spectacle de Patrick Timsit au théâtre du Rond-Point à Paris, dont le titre On ne peut pas rire de tout trouve un écho cinglant à l’actualité. Sur cette affiche, on y voit l’humoriste tenir dans ses bras un obus. Un trait d’esprit que la société JCDecaux n’a pas apprécié puisqu’elle a tout simplement refusé l’affiche, selon des informations du Monde. Le groupe estime que le visuel ne respecte pas la « responsabilité sociale » qui répond aux critères suivants : « La publicité ne doit pas exploiter le sentiment de peur; elle ne doit contenir aucune incitation ni cautionner un comportement illicite ou répréhensible; elle doit proscrire toute déclaration ou représentation visuelle susceptible de générer des craintes irrationnelles ou infondées. »
Pour Stéphane Trapier, cette « histoire est sidérante et absurde », déclare-t-il au quotidien. « JCDecaux se couche. C’est du politiquement correct précautionneux, c’est le contraire de ce qu’il faut faire », s’indigne le dessinateur. Également interrogé par Le Monde, Jean-Michel Ribes, le directeur du théâtre du Rond-Point, estime cette décision « grotesque » et rappelle que « l’affiche a déjà été largement diffusée dans les médias sans que personne ne s’en soit offusquée. » Quant à l’intéressé lui-même, Patrick Timsit, il se demande « ce qu’on peut-faire pour ces gens » qui sont « paumés, perdus et qui voient le mal partout ? » [-]