Chronicart, Victor Maas, 2 décembre 2014
Le contraste tranché entre le texte et l’image rend plus mordants encore ces instantanés absurdes [+]
Aperçu il y a plusieurs années dans les pages de Fluide Glacial, plus récemment dans les couloirs du métro pour ses affiches du Théâtre du Rond‑Point et sur le site Vents contraires (l’excellente revue participative du théâtre éponyme), le graphisme de Stéphane Trapier manquait cruellement en librairie, et ce bel objet publié par les Éditions Matière ravit d’emblée. Avec un trait élégant, à la fois charbonneux et frémissant, souligné de jaunes et de roses vifs que l’impression fait particulièrement ressortir, l’auteur reproduit des images d’actualité, des scènes de westerns ou de films en costumes de toutes époques pour mieux coller dans la bouche de ses personnages des propositions anachroniques et loufoques tout à fait inattendues. « Mais c’est assurément sa passion irraisonnée des pantacourts qui le mit sur la piste de l’assassin… », raconte un détective sûr de son fait…
Avec ce Grand Détournement dessiné, pas très éloigné des BD situationnistes et d’un humour plutôt britannique, Trapier mêle des corps au maintien et aux vêtements surannés à la prose quotidienne de la rue, de la publicité et des réseaux sociaux, et il moque avec succès l’aberration des formules toutes faites, du vocabulaire et des slogans serinés en permanence. Le contraste tranché entre le texte et l’image rend plus mordants encore ces instantanés absurdes, et l’auteur, non content d’assommer les mots dévoyés, semble inviter à une écoute silencieuse et amusée de la bêtise du monde. [-]